« - Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le
« -
Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le vois le panneau ?
In
Paradisium
Oui, cest cela ! »
Jai beau
scruter le portail béant, je ne vois rien. Pourtant jentends partout aux
alentours les mêmes lumières. En passant devant labbaye quelques secondes
avant, jai trouvé que le temps changeait. Pourtant le paysage se continue,
sans rupture aucune avec lespace temps. Comme un nouvel an qui suit une
vieille année, sans aucune magie, et qui entreprend banalement de grimper
encore 365 jours.
Je nai pas plus
le choix : le chemin serpente sur la colline « opposée », cest
comme cela que les gens dici lappelle, et je dois le dégringoler, prendre sa
réserve du bas, accepter la sentence.
« - Aller,
trois mois, ce nest rien ! La plus belle saison en plus ! Tu vas
aimer les framboises, les cerises et jte raconte même pas le
Moine ! »
Puis, le Barbus
reprend dune voix moins rassurante, presque tranchante :
« - De
toute façon, gamine, le juge ta prévenue. Tu vas arrêter de produire ta
saleté. Tu as de la chance dêtre la fille du premier Responsable. Ils pensent
tous que tu es normale et que quelquun sest servi de toi. Mais, moi, jai
bien vu tes mains, et tes pouces
? Pourquoi qutu les caches tout le
temps ? »
Je ne laime pas
ce type. Il sent mauvais et sous prétexte quil a un véhicule, il se croit tout
permis. Enfin, pour une fois, ma filiation va me servir : sil me touche
ne serait-ce quun quart de cheveux, je dis tout à mon père. Il doit le sentir
et se tient à carreaux. Peut-être sait-il vraiment
Dans ma poche,
je tiens encore une parcelle de mousse. Elle est douce et je sais quelle est
jaune vive. Etrange, elle bat ! Lendroit, peut-être ?!
Le véhicule
vient sarrêter silencieusement devant la grande bâtisse Des filets immenses la
recouvrent, empêchant le moindre insecte de les traverser et de venir butiner
les arbres fruitiers, ne laissant passer que lair.
La porte est
entrouverte et japerçois des ombres qui courent furtivement. Jimagine
Chacun
droit trouver la posture adéquate pour maccueillir ou non. Lola, cest la plus jeune de tous et cest
pour cela que je ne vois quelle. Les autres ont regagné leur boxe. Lola, je
men rendrai vite compte, cest linsouciance, celle qui na rien prémédité, la
préférée du Moine. Japprendrai bien plus tard quil a tout fait pour la
retenir et ne jamais la laisser repartir, en se servant de son innocence. Tout
le contraire de la Grande Crécelle ! Elle, je lai connue deux jours. Un
matin, son arbre était mort, son boxe vide et sous les filets immenses il y
avait comme de la fumée acre, poignante, ne se laissant dissiper par aucun brun
dair.
Le moine. Il est
là, perché dans un arbre. Je ne sais pas si cest son âge ou sa taille qui
mimpressionne le plus
Plus de 130 ans, au moins deux mètres cinquante
Va
savoir !
« - Voilà
gamine ! Tes arrivée ! Moi, jreste pas et je te conseille juste un
truc, le regarde pas droit dans les yeux parce que tes trois mois pourraient
bien se transformer en trois siècles ! »
Je descend,
attrape mon balluchon. Je regarde le véhicule repartir.
Dans le silence
de la poussière qui retombe, jentends des rires denfants. Je ne suis pas
encore tout à fait morte, semble-t-il, et je mapproche du vieil homme