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Paradigme's blog
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12 janvier 2005

« - Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le

« - Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le vois le panneau ?… In Paradisium… Oui, c’est cela ! »

J’ai beau scruter le portail béant, je ne vois rien. Pourtant j’entends partout aux alentours les mêmes lumières. En passant devant l’abbaye quelques secondes avant, j’ai trouvé que le temps changeait. Pourtant le paysage se continue, sans rupture aucune avec l’espace temps. Comme un nouvel an qui suit une vieille année, sans aucune magie, et qui entreprend banalement de grimper encore 365 jours.

Je n’ai pas plus le choix : le chemin serpente sur la colline « opposée », c’est comme cela que les gens d’ici l’appelle, et je dois le dégringoler, prendre sa réserve du bas, accepter la sentence.

« - Aller, trois mois, ce n’est rien ! La plus belle saison en plus ! Tu vas aimer les framboises, les cerises et j’te raconte même pas le Moine ! »

Puis, le Barbus reprend d’une voix moins rassurante, presque tranchante :

« - De toute façon, gamine, le juge t’a prévenue. Tu vas arrêter de produire ta saleté. Tu as de la chance d’être la fille du premier Responsable. Ils pensent tous que tu es normale et que quelqu’un s’est servi de toi. Mais, moi, j’ai bien vu tes mains, et tes pouces… ? Pourquoi qu’tu les caches tout le temps ? »

Je ne l’aime pas ce type. Il sent mauvais et sous prétexte qu’il a un véhicule, il se croit tout permis. Enfin, pour une fois, ma filiation va me servir : s’il me touche ne serait-ce qu’un quart de cheveux, je dis tout à mon père. Il doit le sentir et se tient à carreaux. Peut-être sait-il vraiment…

Dans ma poche, je tiens encore une parcelle de mousse. Elle est douce et je sais qu’elle est jaune vive. Etrange, elle bat ! L’endroit, peut-être ?!

Le véhicule vient s’arrêter silencieusement devant la grande bâtisse Des filets immenses la recouvrent, empêchant le moindre insecte de les traverser et de venir butiner les arbres fruitiers, ne laissant passer que l’air.

La porte est entrouverte et j’aperçois des ombres qui courent furtivement. J’imagine… Chacun droit trouver la posture adéquate pour m’accueillir ou non.  Lola, c’est la plus jeune de tous et c’est pour cela que je ne vois qu’elle. Les autres ont regagné leur boxe. Lola, je m’en rendrai vite compte, c’est l’insouciance, celle qui n’a rien prémédité, la préférée du Moine. J’apprendrai bien plus tard qu’il a tout fait pour la retenir et ne jamais la laisser repartir, en se servant de son innocence. Tout le contraire de la Grande Crécelle ! Elle, je l’ai connue deux jours. Un matin, son arbre était mort, son boxe vide et sous les filets immenses il y avait comme de la fumée acre, poignante, ne se laissant dissiper par aucun brun d’air.

Le moine. Il est là, perché dans un arbre. Je ne sais pas si c’est son âge ou sa taille qui m’impressionne le plus… Plus de 130 ans, au moins deux mètres cinquante… Va savoir !

« - Voilà gamine ! T’es arrivée ! Moi, j’reste pas et je te conseille juste un truc, le regarde pas droit dans les yeux parce que tes trois mois pourraient bien se transformer en trois siècles ! »

Je descend, attrape mon balluchon. Je regarde le véhicule repartir.

Dans le silence de la poussière qui retombe, j’entends des rires d’enfants. Je ne suis pas encore tout à fait morte, semble-t-il, et je m’approche du vieil homme…

 

Agnès
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