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Paradigme's blog

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2 mars 2005

Sein-biose

La consigne de ce soir là... c'était :
Lire quelques pages étonnantes de Francis Giraudet, de son indicible : "Stultures".
Regarder des gravures de Sophie-elle... Ondes de nues, permises uniquement à la majorité.
Piocher deci-delà des mots, des expressions et décrire les images.


A vos plumes...


L’aporême, quand on aime, c’est la peau qui traîne à l’aigre danse… Et quand, le mirailleculeux du juxtapositionnement bondit hors de son coffret-chaud, il reste une once de crème pour brandir les outils et les semences.

Quelle mer-veille alors ! Envolée ! Voletant ! Plumeteuse aux affres de subtiles odorations… Il n’est pas de viande à bouder qui s’offrationne de la sorte. Les reposes-pierres peuvent bien rester écloses, où que tournoie le visage, quels que soient les virages et les mirages, la bouche-bouton ne viendra pas à terme.

La peau névrose est litanie, aucune Anna-lyse ne peut s’en détourner.

Reste le pied de nez si bien encré sur terre ou par montagne-veau avec un soupçon de remonte pente pouvant bien harper de ses creux cette branche ainsi garée.

Un si-lance, ou tente d’entrer dans les réduits du geste zestroné et tranche-capité.

Rien n’y rejoue, se change ou se lange.

Les cercles globuleux n’osent entrapercevoir le roseaucelet et continuent énergiquement à rester fenestrés. Peut-être que tout souplement, ils se laissent endobercer par les nuances volutés de cette odeur diffusée, gélifiante presque.

De tous les façonniers, le skate-bordé ne se capitulera pas. A moins que sur de nouveaux sentiers, sans compter le lèche-mains, une abysse étincelle, surgit et pourfende, l’apaise…

Allez ça-se-voir !


Agnès


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2 mars 2005

Je m’effondrai sur le bitume. Le caractère raz la

Je m’effondrai sur le bitume. Le caractère raz la casquette, le caquet déconfit, l’asphalte au niveau des paupières. Elle m’avait viré, jeté, défenestré, déchambracouché, proprement rayé de sa liste des courses. Je tâtai mes contusions à l’âme. Rien de cassé, en apparence, mais tant de fêlures dans le mou de ma cervelle que le pot n’en valait pas la chandelle de recoller les morceaux du vase. Vase évasé, dévalisé, ovalisé de mon désir. Fin du voyage, annulation de billets, pas remboursés. Oh et puis… Moi aussi j’avais droit à l’errance, à l’erreur vagabonde : me v’là sur ce trottoir en compagnie de mes deux valises, même pas à roulettes. Fin du désir, panne du désir, contradiction mélancolique d’un Christ turgescent. Et quant bien même ! Ils n’avaient pas l’air de s’en douter, mes semblables si différents, si indifférents, qui me contournaient comme un de ces ronds-points new tendance.

Nous avions été deux être siamois à force de n’en former qu’un. Mêlés par la hanche, nos sexes alignés, bien dans le confort d’une chair assoupie. Allégorie bicéphale stylisée comme sur un cartouche de l’Egypte antiquaire. Promesse de rien, femme reconnaissable à ces deux excroissances sur le devant, deux balles de chair renvoyant à tous les fantasmes, curieusement.

Il me fallait faire le point, comme on dit d’un capitaine que la tempête a dérouté, et qui doit mener de nouveau son bâtiment sur la bonne erre. Moi, j’étais seul pour tous les postes à la manœuvre, à la fois capitaine, équipage et navire. Je n’avais que moi à diriger, que moi aussi pour donner la main : J’avais envie d’interroger les passants, "Qu’en pensez-vous ?", mais ils s’en foutaient, c’est bien connu.

Avec mes deux valises, je me dirigeai vers la gare.

 

Patrick

2 mars 2005

Je te violoncelle, je te piano bar. Bellissime

Je te violoncelle, je te piano bar.

Bellissime Lancelotte, ta canotte m’orifice. Je te prononcelle et je te dépucelle. Je t’aspire et te frissonne dans l’imposture déjouée de ce membre imposant.

Il s’érige, se cultive, il cierge et s’enguirlande à portée de ta joue, il se joue du visible, de l’érectile turlupinage. Il t’émeut, il t’ébranle jusqu’aux larmes. Il te pâme et t’ensorcelle.

Bellissime amourée ensorcellée mais consentante.

Bellissime blasée s’endormit dans l’instant satiné de tant de veulerie… Elle aimait les silences et non les grands discours… Arrête, dit-elle, laisse tomber… J’ai hâte de voir le jour, je suis lasse de fasseyer… J’ai hâte d’aller compter mes moutons.

Je laisse tes fesses d’aisances.

Je te carambouille et t’épiglotte.

Je te percussionne et t’anéantis.

 

Renée


2 mars 2005

Sa pro-mine, proéminent, il se promène autour de

Sa pro-mine, proéminent, il se promène autour de ma bouche. Ce qu’il promet est imminent, de quoi étroner la mort, détrôner le diable, déchirer ma nuit.… Provoquer une éclosion de l’abyme.

Moi, face livide, devant un sexe facile, docile aux gestes de mes cils.

Doucerise. Il m’offre sa douce cerise, noyau fendu.

J’avais inventé des mots, des mots-motions, des émotions, des mots-mystères, pour taire mes maux et mes misères.

Ta folie ! Quand elle calme ma douleur, c’est ma peau qui traîne à l’aigre-douce au terre-plein de mes pleurs.

Je crois encore que ses sueurs…

Laisseront une lueur à ma vie…

 

Maryse


20 janvier 2005

Cadavres exquis…

Un personnage.
Un verbe conjugué.
Un autre personnage.  

Articulez, s'il vous plait !

 

La chatte blanche travaille à la barre chez la princesse.

 

« Sylphide ! Où es-tu ma mignonne ? Sylphide ! »

La princesse s'époumone au travers du hall, en vain. Sylphide ne répond pas.

« Sylphide ?… Allez, viens voir ce que je t'ai préparé ! »

Pour elle-même, la princesse s'interroge :

« Mais où est-elle encore passée ?! Je paris qu'elle est partie dans la salle de danse… »

La jeune fille grimpe le grand escalier de marbre rose et s'engage dans un couloir capitonné de velours pourpre. Une rangée de chandeliers dorés lui fait une haie d'honneur. Au plafond, de longs miroirs à facettes renvoient l'image presque soyeuse de cette altesse. Dans ce reflet, les boucles brunes se multiplient à l'infini, surmontant un corps menu et vaporeux, caché timidement derrière une robe de tulle aux multiples voiles irisés de parme.

Elle trottine, impatiente de retrouver la déserteuse.

Elle pousse d'un geste sec les deux battants d'une porte vitrée, se tient in extremis à la poignée. Le parquet vitrifié devant elle est plus glissant qu'une patinoire glacée.

En observant la scène, notre princesse manque de s'étrangler.

Tous ces tutus sont jetés pêle-mêle sur le sol, ses disques de classique sont éparpillés, souvent orphelins de leur pochette.

Et ses chaussons ! Certains sont liés entre eux, d'autres sont poudrés en totalité de colophane agglutinée.

Et au milieu de tout cela, enfin pas tout à fait, sur le côté en fait, la chatte blanche travaille à la barre consciencieusement. Ses pattes arrières sont en position de cinquième et au rythme de la musique, pendant que sa queue bat la mesure, elle fait des ronds de jambes. Une de ses pattes avant est bien encrée dans la barre par quatre griffes et elle ronronne de plaisir à jouer ce petit rat d'opéra.

Elle regard tout à coup l'intruse et lui miaule d'une manière suppliante :

« Laisse-moi faire quelques sauts de chat et après, je range tout ! »
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12 janvier 2005

Encore un autre mardi soir...

Consigne du jour

Entrée
« Mon Ange » arrosé de « Guillermo Rosales ».

Plat de résistance
Trois premières pages sur leur photocopie…suivi du « Repérage de la structure »

Dessert
 « Faire comme… »

Cerise sur le gâteau
 « Imagination à l'absolue »



12 janvier 2005

C’est notre jeune Maryse qui a ouvert le feu…

 

 

C’est notre jeune Maryse qui a ouvert le feu…

 

Aéroport d’Abidjan – Welcome – Bienvenue – Ayaolhidja.

Première impression : Ca grouillait ! Oubliée la distance entre les corps dont on avait l’habitude, l’air climatisé. Les relations climatisées et aseptiques, imbuvables cocktails parfois d’indifférence et de mépris.

Pour la première fois, l’impression de faire partie d’un même corps, moite, suintant.

Une lourdeur dans l’air et une obscurité qui pesait car l’inconnu était au bout du couloir. Passé cette sortie de l’aéroport, on n’aurait plus aucun lien avec nos repères.

Vérification des passeports et des visas, attente, tentative de récupération des bagages, regroupement, et puis attente encore, dans le brouhaha. Et paradoxalement un silence intérieur aussi.

Et nous sommes sortis finalement.

Un peu d’air enfin, tiède et puis, quelques silhouettes qui se détachent du fond obscur.

Une odeur de chocolat. Odeur bénie !!!

Et le car nous emmène, toutes fenêtres ouvertes, avec l’air doux flottant au-dedans, nous emmenant au dehors, portés sur l’effluve du cacao, l’esprit libre, évadé, voguant et divaguant…

On se voit tout à coup sur un vélo qui passe, on pédale à contre-sens, puis on s’arrête goûter la mixture bouillonnante sur un feu au bord de la route.

Les gens sont des inconnus. Mais se faufilent dans notre espace, et ils imprègnent notre mémoire.

Et dans le bus, on ne trouve plus trop rien à se dire.

Et qu’on se connaisse n’a plus vraiment d’importance.

On est là.

 

Maryse



12 janvier 2005

6 Rue des Mimosas – M. et Mme Durance - C’est

6 Rue des Mimosas – M. et Mme Durance

- C’est bien là, dit-elle ravi.

A peine avait-elle prononcé ces mots, son visage se ferma et son sourire se figea. Elle venait d’apercevoir le jardin et déjà M. et Mme Durance s’approchaient.

- Vous venez pour la location ? Nous vous attendions ! Rentrez sans attendre.

Elle fut propulsée dans la maison.

Elle avait eu le temps de fouler le faux gazon en plastique, d’apercevoir les hideux nains de jardin, les borures en plastique façon fer forgé, le petit âne et son panier en fausse pierre.

A l’intérieur, elle eut d’emblée la sensation d’étouffer, fleurs artificielles et trophées de classe sur le mur gauche du salon, tête de cerf, de sanglier, le tout sur une tapisserie  à médaillon couleur or.

Déjà, elle voulait repartir, sortir, respirer. Tout était étriqué ici. L’enfant, lui, était content. Il la tirait par le bras comme pour la faire descendre sur terre.

- Regarde un micro-ondes pour faire chauffer le lait le matin, dit-il.

Comme elle ne répondait pas, il insista : « C’est bien, on n’en a pas chez nous ! ».

Mme Durance continuait à faire l’inventaire minutieux du placard de la cuisine : « Six fourchettes, six couteaux… » M. Durance ponctuait les descriptions par « Ca se range ici car après on ne s’y retrouve pas ».

Qu’ils se taisent, pensait-elle, ou je vais HURLER.

L’enfant avait trouvé sur la télévision un chien aux yeux rouges avec la tête qui bouge comme on en voit à l’arrière des voitures et il riait.

 

Roseline



12 janvier 2005

« - Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le

« - Regarde, là ! Juste sur le poteau ! Tu le vois le panneau ?… In Paradisium… Oui, c’est cela ! »

J’ai beau scruter le portail béant, je ne vois rien. Pourtant j’entends partout aux alentours les mêmes lumières. En passant devant l’abbaye quelques secondes avant, j’ai trouvé que le temps changeait. Pourtant le paysage se continue, sans rupture aucune avec l’espace temps. Comme un nouvel an qui suit une vieille année, sans aucune magie, et qui entreprend banalement de grimper encore 365 jours.

Je n’ai pas plus le choix : le chemin serpente sur la colline « opposée », c’est comme cela que les gens d’ici l’appelle, et je dois le dégringoler, prendre sa réserve du bas, accepter la sentence.

« - Aller, trois mois, ce n’est rien ! La plus belle saison en plus ! Tu vas aimer les framboises, les cerises et j’te raconte même pas le Moine ! »

Puis, le Barbus reprend d’une voix moins rassurante, presque tranchante :

« - De toute façon, gamine, le juge t’a prévenue. Tu vas arrêter de produire ta saleté. Tu as de la chance d’être la fille du premier Responsable. Ils pensent tous que tu es normale et que quelqu’un s’est servi de toi. Mais, moi, j’ai bien vu tes mains, et tes pouces… ? Pourquoi qu’tu les caches tout le temps ? »

Je ne l’aime pas ce type. Il sent mauvais et sous prétexte qu’il a un véhicule, il se croit tout permis. Enfin, pour une fois, ma filiation va me servir : s’il me touche ne serait-ce qu’un quart de cheveux, je dis tout à mon père. Il doit le sentir et se tient à carreaux. Peut-être sait-il vraiment…

Dans ma poche, je tiens encore une parcelle de mousse. Elle est douce et je sais qu’elle est jaune vive. Etrange, elle bat ! L’endroit, peut-être ?!

Le véhicule vient s’arrêter silencieusement devant la grande bâtisse Des filets immenses la recouvrent, empêchant le moindre insecte de les traverser et de venir butiner les arbres fruitiers, ne laissant passer que l’air.

La porte est entrouverte et j’aperçois des ombres qui courent furtivement. J’imagine… Chacun droit trouver la posture adéquate pour m’accueillir ou non.  Lola, c’est la plus jeune de tous et c’est pour cela que je ne vois qu’elle. Les autres ont regagné leur boxe. Lola, je m’en rendrai vite compte, c’est l’insouciance, celle qui n’a rien prémédité, la préférée du Moine. J’apprendrai bien plus tard qu’il a tout fait pour la retenir et ne jamais la laisser repartir, en se servant de son innocence. Tout le contraire de la Grande Crécelle ! Elle, je l’ai connue deux jours. Un matin, son arbre était mort, son boxe vide et sous les filets immenses il y avait comme de la fumée acre, poignante, ne se laissant dissiper par aucun brun d’air.

Le moine. Il est là, perché dans un arbre. Je ne sais pas si c’est son âge ou sa taille qui m’impressionne le plus… Plus de 130 ans, au moins deux mètres cinquante… Va savoir !

« - Voilà gamine ! T’es arrivée ! Moi, j’reste pas et je te conseille juste un truc, le regarde pas droit dans les yeux parce que tes trois mois pourraient bien se transformer en trois siècles ! »

Je descend, attrape mon balluchon. Je regarde le véhicule repartir.

Dans le silence de la poussière qui retombe, j’entends des rires d’enfants. Je ne suis pas encore tout à fait morte, semble-t-il, et je m’approche du vieil homme…

 

Agnès
1 janvier 2005

La consigne : Deux personnages de littérature mis

La consigne : Deux personnages de littérature mis en scène à nos jours, dans un réveillon de fin 2004....

 

Elle s’est assise sur son lit, perdue dans son peignoir rubis.

Ses cheveux mouillés, à peine essorés, coulent le long de son cou. Elle penche la tête en avant et les gouttes finissent leur chemin sur le parquet, dans un son doux feutré. Quelques-unes unes glissent le long de sa cheville. Elle observe le vernis de ses ongles de pieds. Quelques éclats l’ont altérés. Elle a le temps, mais elle n’a pas envie de se lancer dans cette activité qui consiste à orner ses jolis pieds. De toute façon, ce soir, à moins que la musique ne soit très mauvaise, elle a bien l’intention de danser jusqu’au petit matin, pour déjouer la nouvelle année ; alors personne ne les verra, ses petits petons !

La nuit est tombée pendant qu’elle était dans son bain. Dehors, elle devine les lumières de Noël qui laissent sur le bas de sa fenêtre des reflets scintillants et fluorescents.

Elle a agi comme une automate depuis qu’elle est sortie du bureau. Elle savait bien pourtant qu’en acceptant cette invitation, tous les espoirs seraient permis engendrant à leur tour une avalanche de risques. Elle n’avait pas arrêté de penser aux mots de Doro…

« Si tu ne viens pas, nous serons treize à table, et franchement, ce n’est pas bon signe !

-         Tu es superstitieuse, toi, maintenant ?!

-         Non, ce n’est pas, mais tu sais bien comme il est ! Il attache beaucoup d’importance aux signes. Et puis, c’est lui, qui a insisté pour que tu viennes, voilà ! »

LUI… QUI A… INSISTE… POUR QUE JE VIENNE…

Cela fait une semaine qu’elle n’en dort plus !

La première fois que Doro le lui a présenté, elle est restée sans voix. Oh ! Ce n’est pas tant son physique qui l’a marquée, quoique de taille moyenne, des cheveux très noirs, long, de cette tignasse épaisse et brillante où l’on aime glisser les doigts pour laisser aux mains d’infinis caresses au fil de soie, un visage presque carré barré d’une bouche aux lèvres épaisses et bien dessinées, que l’on croirait presque revisitées par un rouge terre, au sourire éclatant et accueillant. Non, le plus impressionnant, c’est son regard. Yeux très noirs, très profonds, avec une douceur indéfinissable, comme une noble sérénité… Elle s’était même dit à cet instant : « Ben, ma cocotte ! Je me demande vraiment comme tu t’es déniché un type pareil, toi qui est abonnée aux figures de magasines style Brad Pitt et compagnie ! »

Le plus étonnant dans cette histoire, c’est que ces présentations ont eu lieu il y a deux ans ! Deux ans que Doro garde le même prince charmant, sans écart semble-t-il…

Et évidemment, en deux ans, elle a eu le temps de faire sa connaissance. Et bien plus qu’elle n’aurait dû, d’ailleurs. Mais, bon, Doro a choisi un job très prenant, très payant c’est sûr, mais très voyageant ! Alors, les soirs où elle est absente, ils ont pris l’habitude de se retrouver, de tester tous les restaurants de Bordeaux, et de ne rater aucun film tout fraîchement sorti.

Elle le connaît bien maintenant et parfois, elle se demande si elle ne le connaît pas mieux que Doro. Parce qu’il parle… Beaucoup et souvent du même sujet, celui qui remplit sa vie et le tient à cœur, ou tient son cœur, tout bonnement. Dorothée Chérie !

Elle n’a jamais vu quelqu’un amoureux à ce point. C’est certainement le secret de leur « longévité ». Pourtant, souvent, elle trouve que cette caractéristique devient pesante. Elle ne sait pas vraiment qui joue ou se perd. Doro prend tout son saoul ce que cet homme raffiné n’a de cesse de lui offrir ; il la couvre de patience, il l’attend sans sourciller, il l’accepte et l’admire, il lui donne son temps pour qu’elle devienne plus éclatante chaque jour. Il la rassure et ne la malmène pas plus qu’il ne se doit. Il reste lui, sans s’abandonner ; il se partage et lui offre un espace serein…

Elle se secoue, l’heure tourne. Car que connaît-elle vraiment de leur vie à deux ? Est-elle là, au milieu, dans leurs moments d’intimité ? Partage-t-elle leur quotidien à tout instant pour pouvoir être juge impartial d’une idylle sans nuage ? Elle ne sait rien en fait.

Rien que la robe qu’elle a choisi depuis longtemps pour se rendre chez eux. Elle est longue, noire, recouvrant largement les poignets, un col roulé pour ne pas laisser voir la peau fine et pâle qui l’habille à cet endroit où tranquillement le sang pulse et fait frémir un petit creux secret. Elle va se maquiller longuement et couvrir ses cils du plus profond des velours anthracite, elle soulignera ses paupières d’un trait épais d’eye-liner violet foncé. Un brillant fraise au lait pour faire sourire sa bouche. Des bottines en satin à talon haut perché pour étendre encore sa silhouette. Et son parfum ancien, rappelant les années 20 et les femmes fatales. Elle s’enveloppera dans un châle de cachemire ambré.

Elle ramasse ses cheveux dans un chignon flou et y glisse un long pic effilé surmonté d’un faux diamant transparent. Dans son sac, elle vérifie deux trois bricoles, des cigarettes, le portable, un peu de monnaie pour payer le taxi.

Le temps s’accélère ; le trajet est comme un éclair, elle aperçoit déjà la maison illuminée, les voitures garées devant, ils doivent être tous déjà arrivés.

Elle a laissé traîné son regard trop longtemps en plein miroir, ce soir, avant de se décider à partir. Elle appréhende ces dernières secondes d’une année bien remplie, elle s’interroge sur la suite, le devenir de la prochaine, la réalité de celle-ci. Et si vraiment, tout s’arrêtait à minuit ? Que plus rien ne pouvait s’enchaîner après ? Car elle est venue sans l’aide d’une bonne fée, avec ses propres moyens. Elle est venue, au devant d’une réalité qui risque de la rattraper, la happer, la dilapider.

Comment affronter en même temps sa douce amie, fidèle et ancienne complice de toute une enfance, que rien ni personne n’a jamais réussi à séparer, comment l’affronter ce soir, alors que sa plus profonde volonté est de lui ravir la raison de son cœur, l’homme qu’elle a su retenir, celui qui l’a rendu si belle ?

Elle se campe devant la porte d’entrée, retient son souffle et se lance enfin dans sa dernière ligne droite, son dernier accomplissement de l’année 2004. Verra-t-elle 2005 ?

Elle presse le bouton de la sonnette et sent déjà ses joues s’empourprer. La porte s’ouvre et Doro lui apparaît, radieuse et pétillante.

« Entre ma Chérie ! On n’attendait plus que toi ! »

Elle lui tend sont châle, en faisant un pas dans le hall d’entrée. Elle jette un coup d’œil aux alentours, histoire de maitriser un peu l’espace. Elle est amusée par la décoration clinquante et limite « mauvais goût » que son hôtesse a jugé bon de disposer partout, au risque de surcharger son intérieur déjà bien plein. Qu’importe, c’est la fête ! Et le champagne aura peut-être raison de tout cela.

Elle entend les invités qui discutent bon train. Au niveau sonore assez élevé, elle devine que certains ont déjà puisé largement dans le punch légendaire de Doro.

Mais… Où se cache-t-il ?

Discrètement, elle scrute le couloir, le salon, le coin de cuisine qu’elle peut apercevoir d’où elle se trouve. Elle hume l’air au travers de la forte odeur de cigarette à la recherche de son parfum. Trop de fragrances pour discerner quoique ce soit !

Elle finit par se montrer et un grand « Ah ! », poussé par l’assemblée, l’accueille. Nathalie et Philippe sont assis sur le même pouf et lui envoient en cœur des bises de bienvenue. Ces deux là ! Incroyable ! Ils se sont connus au berceau, ont fait les mêmes études, travaillent ensemble dans le même cabinet de notaires. Et ce soir, oh grand soir, c’est leur première sortie sans… Devinez qui ? Les jumeaux qu’ils ont eu l’été dernier.

Samir vient déposer sur ses joues un gros baiser claquant accompagné d’un : « Content de te voir la belle ! Toujours aussi séduisante ! » Elle lui retourne un faux regard attendri, complaisant mais un tantinet dédaigneux. Il faut dire que cela fait des mois que Samir lui fait du « gringue ». Au début, c’était amusant, car on peut dire qu’il la « courtisait » tel un chevalier des temps anciens. Mais à la longue, il n’a jamais su passer le pas ni la vitesse supérieure et il en est devenu ennuyeux et pesant.

Doro l’entraîne vers un couple qu’elle ne connaît pas. Ce sont des amis Italiens que Doro a rencontré lors d’un voyage d’affaire et qu’elle a réussi à faire venir à Bordeaux pour le réveillon.

Evidemment, il y a Valérie qui entretient ses rondeurs soigneusement, alors qu’elle dit les maîtriser, en s’empiffrant en douce de noix de cajou.

Amandine accompagnée son nouveau prétendant est là aussi, déjà absorbée dans une grande discussion avec les cousins inséparables de Doro. Elle se rappelle sans difficulté du prénom de Rémy, mais celui de son frère, rien à faire ! elle n’arriva pas à le retenir. Arnaud, peut-être ?

Soudain, une voix s’élève de la cuisine. C’est lui…

« Attention ! Attention ! Tout le monde est là ? »

Un grand « Oui ! » bien scolaire retentit.

« Alors j’apporte le premier exploit ! »

Benoît, le meilleur « pote » de celui qui parle, maintient la porte ouverte pour le laisser passer. Il porte une montage d’huîtres piquée de baguettes magiques qui crépitent de mille feux. L’effet est convainquant ! Surtout qu’elle déteste les huîtres ! Elle le regarde déposer son œuvre délicatement. Puis il se sauve immédiatement pour revenir avec une assiette dorée dans laquelle il a disposé une tomate ciselée et décorée de trois énormes gambas orange vif. Il vient vers elle et lui tend avec un regard très doux, presque protecteur :

« Pour celle qui m’aide à attendre si souvent ma princesse voyageuse. »

Au fond d’elle, c’est la panique. Cette attention est touchante certes, mais ces paroles qui l’accompagnent sont chargées d’un terrible sens pour elle. Elle ne sera jamais que l’amie de Doro, et le cas échéant, elle ne sera plus utile…

Elle essaye de se détendre en sifflant son verre d’une traite. Elle rejoint les couples et essaye de se mêler aux discussions. Mais bientôt chacun fait la queue pour aller se servir de ces cailloux de la mer, en s’efforçant de ne pas déséquilibrer l’édifice. Force rigolade, évidemment ! L’ambiance est joyeuse. Elle sent alors une main dans son cou qui exerce une légère pression pour qu’elle se retourne. Il est là. Tranquille, souriant. Dans ses yeux, il y a une lueur trépidante, quelque chose d’incroyablement intense.

« Viens par ici, lui murmure-t-il, je voudrais te dire quelque chose avant tout le monde. »

Ils s’échappent dans le couloir. Elle sent derrière que Doro les rejoint.

« Tu lui as dit ?

-         Non, pas encore, je t’attendais.

-         OK. On y va ? »

Elle sent son cœur se serrer. Ils vont lui annoncer qu’ils se marient, c’est sûr ! Ou qu’ils déménages pour le travail de Doro et qu’ils vont partir à Tahiti. Ou non ! Qu’ils se séparent. Bon, ça, ce n’est pas possible. Ils ont l’air trop heureux. Et si…

Dans un écho lointain, elle les entends lui dire en cœur : « On va avoir un bébé ! »

Quelques secondes blanches… Elle relève le visage et se demande s’ils ont entendu l’énorme claquement qu’il y a eu au fond d’elle, comme si l’on déchirait en un millième de seconde une feuille de papier de 3 m². Une bombe vient d’imploser dans ses tripes. L’hémorragie déferle en elle et l’étouffe. De ses yeux jaillissent des flots de sang, ce sang noir de douleur, ce suc de désespoir, ce poison à la vie qui va bientôt finir de l’anéantir. Elle va glisser, essayer de se rattraper aux tentures, faire effondrer les plafonds, devenir poussière à leurs pieds.

Mais rien de tout cela ne se produit. Un instant à peine et avec une joie feinte, elle attrape son amie dans les bras, la serre fort et la félicite. Elle se perd dans sa chevelure pour qu’il ne voie pas ses yeux. Elle se reprend un peu et les amène devant l’assemblée en criant débonnaire « Et les copains ! Silence ! Une grande nouvelle pour finir l’année ! »

Elle s’efface et les laisse communiquer le secret.

Elle attrape un verre au passage, le remplit à raz-bord de vodka, l’ingurgite d’un trait, puis recommence.

Elle sait que la soirée va continuer comme cela. Remplir son verre, et s’enivrer au sacrifice. Elle sait qu’à partir de maintenant, elle doit se noyer, se détruire. Rien ne pourra plus les séparer maintenant. Il ne sera jamais plus libre. Un enfant, c’est pour la vie.

Elle continue à boire et bientôt elle n’entends plus le tic tac de son horloge intérieure.

Le temps se fige.

Autour d’elle, bientôt, des cris… 2002 est là.

Elle se glisse discrètement vers l’entrée, attrape son châle et s’en va en titubant dans la rue.

Au bout, la Garonne. Froide, longue, noire.

Son dernier chemin de vie, son nouveau chemin de mort.

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